vendredi 9 septembre 2011

ASSURER LA CONTINUITE DES SOINS CHEZ LES POPULATIONS MOBILES VIVANT AVEC LE VIH/SIDA SUR L’AXE ROUTIER OUEST AFRICAIN ABIDJAN-LAGOS: UN VERITABLE DEFI

Dr Dionkounda R. Aristide
Coordonnateur Projet

OCAL/ALCO (Abidjan-Lagos Corridor Organization)

ACONDA-VS CI

23 BP 2485 Abidjan 23

Mobile :
+225 08 30 79 22 / 40 18 57 84

courriel :
ristodion1@yahoo.fr


L’axe routier Abidjan - Lagos est long de 1022 km et relie le Nigeria à la côte d’ivoire, en passant par le Ghana, le Togo et le Bénin. Cet axe de migration par excellence, constitue un corridor caractérisé par une intense activité économique basée sur le transport. Les cinq pays concentrent à eux seuls, 65% du poids économique des états de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). La population résidente est estimée à 30 millions et celle en transit à 47 millions par an (OCAL 2009).

Cet axe est principalement emprunté par les transporteurs et les routiers, auxquels on ajoute les voyageurs ponctuels, les jeunes, les étudiants, les fonctionnaires, les hommes en uniforme, les commerçants et les professionnelles du sexes. Ces populations se caractérisent par leur mobilité et leur localisation sur l’axe.


ÉTAT DES LIEUX DE L’AXE DE MIGRATION ABIDJAN – LAGOS

Du fait des tracasseries administratives, les populations migrantes passent de longs séjours sur l’axe Abidjan – Lagos, occasionnant des comportements qui augment les risques de contamination aux IST/VIH/SIDA. Il s’agit des rapports sexuels occasionnels et multiples. Même si le taux de prévalence y généralement bas, le rapport OMS/ONUSIDA de 2009 continue d’affirmer que 22,4 millions des personnes vivant avec les VIH se trouvent en Afrique subsaharienne. Des études soutiennent également que les migrants adoptent des comportements qui induisent des risques de contamination plus élevés, car ils sont isolés de leur famille et de leur réseaux d’appui social et ils ont souvent un accès limité aux services de prévention (White 2003, Khan et Al. 2007). Face à cette situation, il est apparu nécessaire de mettre en place un projet régional commun avec pour mission d’appuyer les programmes nationaux des cinq pays concernés, pour développer une réponse transfrontalière au IST/VIH/sida. En effet, l’objectif principal était de freiner la propagation du VIH et réduire la mortalité et la morbidité, liées au VIH/sida au sein des populations mobiles et des populations autochtones et riveraines en interaction avec elles.

Les normes et recommandations en matière de soins apportés aux PVVIH, varient d’un pays à l’autre. Le migrant étant hors de son pays d’origine, est parfois confronté au problème d’accessibilité à l’offre de soins. Il s’agit essentiellement des difficultés liées au suivi médical et biologique, à la disponibilité des ARV, au système de recouvrement des coûts à cause de la précarité des ressources financières du patient, et aussi de l’absence de soutien psychologique et social. Ces obstacles influencent négativement l’observance au traitement. Selon une étude réalisée par Dubois et Al en 2008, une observance inférieure 95% entraîne un risque d’échappement au traitement et d’apparition de résistance virale. Il faut noter par ailleurs que la proportion de décès est plus élevée dans la tranche d’age la plus économiquement active (15 à 49 ans). Cela, pour les auteurs, représente une perte de compétence nécessaire aux pays pour leur développement économique. Greener (2004) a démontré l’impact de la pandémie du sida sur la baisse de la productivité et la croissance macroéconomique. La mise en place de stratégies afin d’assurer la continuité des soins chez les migrants vivant avec le VIH, apparaît donc plus qu’une nécessité impérieuse.


STRATÉGIE POUR GARANTIR LE CONTINUITÉ DES SOINS CHEZ LES MIGRANTS

La stratégie à mettre en œuvre pour garantir le continuum de soins des migrants vivant avec le VIH, est basée sur la mise en réseau inter pays de tous les établissements sanitaires et aussi des acteurs impliqués dans la prise en charge. Il faudra aussi créer entre les pays, un circuit de référence et de contre référence des patients. Cette interconnexion entre les centres de traitement VIH des différents pays, nécessite que ces structures soient dotées d’équipement tels que les téléphones portables, les outils informatiques et les outils de référencement. Les personnels de ces centres devraient également être formé aux modules nationaux de prise en charge VIH. Le but de cette mise en réseau, est de permettre aux populations migrantes de bénéficier des soins de qualité le long de l’axe routier, quelques soient les pays ou elles se trouvent. Les échanges d’informations entre les centres devront être effectuées en utilisant les nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC). Du coup, les cinq pays seront connectés à un même serveur, qui hébergera une base de données centrale. Cette base de données centrale sera capable de générer un dossier électronique du patient venu en consultation grâce à un numéro unique d’identification. La base de données sera mise à jour après chaque contact avec le patient. Les prescripteurs seront également mis en réseau via leur contact téléphonique ou leur courriel.

L’amélioration des échanges de données nécessite qu’on envisage un cadre d’interopérabilité qui devra s’appuyer sur la réglementation nationale de chacun des pays et sur les normes et standards internationaux. Ce cadre sera soutenu par une charte éthique définissant le mode de fonctionnement du réseau, le coût des actes et les informations transférables inter-pays (code du patient, profession, nationalité, traitement en cours, dernier taux de CD4 …). Cette charte sera validée par l’ensemble de tous les prescripteurs le long de l’axe routier.

Les conseillers psychosociaux seront chargés d’apporter l’appui psychosocial et nutritionnel au migrant, et de son orientation vers un site effectuant les mêmes prestations à la prochaine destination. Les conseillers psychosociaux interviendront également dans la recherche des perdus de vue.

Ce système sera animé par les ONG et associations des principaux acteurs, à savoir les transporteurs et les professionnelles de sexe. Leur rôle principal sera d’informer les populations mobiles sur l’existence des services offerts par les établissements sanitaires. Ils apporteront aussi les messages de sensibilisation sur la prévention des IST/VIH/sida.


CONCLUSION

La mise en réseau des centres de soins le long de l’axe routier de migration Abidjan – Lagos est une bonne initiative pour garantir l’accès et la continuité des soins aux populations mobiles vivant avec le VIH. La stratégie développée pourra être reproduite ailleurs pour juguler la pandémie du VIH.

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