Introduction
A la faveur de la conférence de
Bamako en 1987 où une fois encore l’accent a été mis sur les soins de santé
primaires (SSP), on a assisté à la mise sur pied d’une nouvelle politique
sanitaire basée sur le principe de « la
distribution équitable des ressources pour assurer l’accès de la grande
majorité des gens à celles-ci » (Velasquez, 1989). Les autorités
ivoiriennes, à travers le Ministère de la Santé Publique,
se sont assignées la mission de mettre en place une politique de soins
équitables et de qualités à l’ensemble de la population, en mettant un accent
particulier sur les groupes vulnérables que sont la mère, l’enfant et les personnes
marginalisées, dans le cadre de la Stratégie Nationale
de la Réduction
de la Pauvreté
(N’Dri Y. 2008). Pour répondre à cette exigence, le ministère s’est doté en 1996,
d’un Plan National de Développement Sanitaire (PNDS). L’objectif principal
était d’améliorer l’état de santé de la population par une meilleure adéquation
qualitative et quantitative entre l’offre des prestations sanitaires et les
besoins essentiels en santé (PNDS 96-2005).
La fin de l’année 1999 a été marquée en côte
d’ivoire par le déclenchement d’une rébellion armée, qui a désorganisé le
dispositif sanitaire en place. Elle a causé de nombreux obstacles à la mise en
œuvre du PNDS, mettant en mal le principe fondamental des SSP et de l’IB, à
savoir « garantir l’équité de l’accès
aux soins » pour tous (OMS, 1999b).
Aujourd’hui, l’on est en droit de se
demander quelles sont les stratégies à élaborer pour renforcer la politique de
l’équité dans l’accès à l’offre de soins pour un système de santé efficace. Dans
la première partie de cet essai, nous faisons une analyse de la situation du
système sanitaire, pour en dégager la problématique. Dans une seconde partie,
nous proposons quelques axes stratégiques pour améliorer l’offre de soins.
1. Analyse de la situation
1.
2- Au plan de l’organisation
Le système de santé ivoirien
comprend l’offre publique de soins, l’offre de soins privée et l’administration
sanitaire (cf arrêté n°28 du 8 février 2002). L’offre publique est organisée
selon une pyramide sanitaire à trois niveaux : primaire, secondaire et
tertiaire. Le recours aux différents échelons de cette pyramide selon l’ordre
préétabli, n’est pas toujours respecté (PNDS 2009-2013). Du point de vu des
grandes orientations dans le domaine de la santé, une politique de gratuité (circonstancielle)
des soins a été décidée depuis avril 2011. Cette bonne initiative a connu
quelques difficultés dans son exécution sur le terrain, eu égard à l’interruption
répétée de la subvention apporté par l’état.
1.
3 - Au plan du financement
Le PIB de la côte d’ivoire est de
19570 millions de dollars et le PIB per capita estimé à 1065 dollars
(www.Statistiques-mondiales.com Côte d’Ivoire). Le budget annuel de l’état
avoisine 2000 milliards de FCFA, la part octroyée au ministère de la santé a baissé
de 20%, passant de 98,6 milliards (7,76%) en 2000 à 79 milliards de FCFA
(4,11%) en 2006. La contribution des partenaires au développement au budget du
MSP a été de 8,7% dans le même période (PNDS 2009-2013). La part des ménages au
budget de la santé dépasse 30% (Ministère de la santé 2008).
1.
4 - Au plan épidémiologique
Les indicateurs restent toujours insuffisants. Le taux d’utilisation des structures
sanitaires est bas, entre 0,15 et 0,30 contacts par an et par habitant. La
mortalité maternelle (543 p100000) et infantile (114
p1000) demeurent élevées. Le taux d’accouchement assisté est 60% et la
prévalence contraceptive estimée à 15% (INS 2005). Des maladies endémiques
telles que la rougeole, la fièvre jaune et la poliomyélite sont encore présentes
et les couvertures vaccinales sont encore basses ( inférieures à 90%, PEV
2007). Selon l’institut national de statistique (2006), un enfant de moins de
cinq ans sur trois souffre d’une malnutrition chronique ou d’un retard de
croissance. Ainsi, la prévalence de la malnutrition chronique est passée de 20,8% en 2004 à 33,9% en 2006 avec 15,7%
de forme sévère.
1.
5 - Au plan des infrastructures
La couverture en infrastructure sanitaire est faible (01 Établissement pour 12822 habitants), une
maternité pour 14000 FAP et un lit pour 2890 habitants). La plupart des infrastructures sanitaires sont insuffisamment
fonctionnelles, du fait de leur état de dégradation et d’obsolescence assez
poussées. La faiblesse des ressources allouées à l’investissement (25%) et l’absence
d’une véritable politique de maintenance, en sont les causes profondes (PNDS 2009-2013). A cela il convient
d’ajouter une inégale répartition des établissements sanitaires sur le
territoire national, cause de disparités régionales donc d’existence de zones
de silence en termes de couverture sanitaire. Il en résulte la problématique de
l’inégalité concernant l’accessibilité géographique aux soins.
1.
6 - Au plan des ressources humaines
L’effectif est insuffisant (2007, 1
médecin p.5695 habitants, 1 infirmier p.2331 habitants et 1 sage femme p.3717
FAP) du fait de la réduction de la masse salariale liés aux difficultés
économiques limitant le recrutement. On ajoute à cela une fuite des cerveaux
due à la démotivation des personnels et à la quasi-inexistence des services
publics (PNDS 2009-2013).
1.
7 - Au plan des principaux déterminants de la santé
Le facteur socio-économique est marqué
par la paupérisation aggravée par la situation de
guerre. Selon le PNUD, le
taux de pauvreté en 2006 était de 44% en côte d’ivoire. Le faible pouvoir
d’achat des populations, limite leur accès aux services sociaux de base. Cela
est beaucoup plus préoccupant lorsqu’il s’agit d’accès aux soins de meilleure qualité
en milieu hospitalier (public et privé) où le coût des prestations reste encore
élevé. Cela traduit la difficulté de l’accessibilité financière à l’offre de
soins dans la population.
Le facteur socioculturel caractérisé
par le faible niveau général d’instruction et d’éducation (taux net de fréquentation du cycle primaire
55%, taux d’achèvement du primaire 17%) et la tendance naturelle d’une grande partie de la
population (79%, Harris Memel-Fotê, 2008), à avoir un recours systématique à la médecine
traditionnelle.
De cette analyse, il ressort que face à une demande de
santé élevée et diverse, l’offre reste encore insuffisante pour couvrir équitablement
les besoins des populations.
2. Contribution pour renforcer la politique de soins de santé équitable
Susciter la volonté politique en
faveur des déterminants sociaux de la santé
Mener des plaidoyers pour obtenir
une répartition judicieuse des soins, de sorte à ce qu’ils soient prodigués à
ceux qui en ont le plus besoin. Ces actions doivent être intersectorielles et faire
intervenir de façon concertée l’ensemble des pouvoirs publics, la société
civile, les leaders d’opinion, les
communautés locales, le monde des entreprises et les instances mondiales et internationales.
(OMS 2008)
Les décideurs doivent respecter
l’engagement fait au sommet d’Abuja (avril 2001), d’augmenter la part de l’état
au budget de la santé à 15%.
Mettre l’accent sur la bonne
gouvernance dans le management des systèmes de santé
Veiller à ce que les managers des
systèmes de santé soient des personnes compétentes, disponibles, intègres et
responsables. Renforcer la lutte contre la corruption. Les détournements des
subventions et aides destinées au financement du système de santé, doivent être
sévèrement punis par la loi. Renforcer le système d’audit et de contrôle des
finances publiques. Impliquer toutes les parties prenantes, donc restructurer
et rendre fonctionnel les COGES.
Offrir des services essentiels en
mettant l’accent sur la qualité des soins
S’assurer de fournir effectivement
au niveau centre de premier contact, les prestations telles que définis par les
Directives Nationale sur le Paquet Minimum d’Activités des soins de santé en
côte d’ivoire.
Définir clairement et mettre en
œuvre une politique de gestion des ressources humaines : améliorer les ratios
professionnel de santé/nombre d’habitant de façon équitable sur étendus du
pays, améliorer la disponibilité du personnel soignant en les motivant par une
rémunération adéquate.
Instituer une véritable politique
d’amélioration du cadre de travail par la réhabilitation des infrastructures,
le renouvellement et la maintenance régulier du plateau technique.
Améliorer la qualité des
services : réduire le temps d’attente aux urgences et à l’accouchement et
rendre accessibles les coûts des prestations aux utilisateurs.
Prioriser les interventions qui favorisent
l’atteinte rapide des OMD
Mettre l’accent sur les activités préventives
et promotionnelles : PEV, lutte contre les grandes endémies, santé
maternelle et infantile. Pour cela, il faut veiller à l’application du septième
principe directeur de l’Initiative de Bamako (Mc Pake et al. 1992) à savoir que
“des mesures telles que des exonérations
et des subventions doivent être prises pour garantir l’accès aux couches sociales
les plus démunies aux soins de santé”. Gratuité pour certains actes : accouchement
normal ou par césarienne, urgences chirurgicales. la subvention octroyée au
traitement des certaines maladies (sida, tuberculose et paludisme) doit être
étendue aux autres pathologies chroniques. gratuités des soins pour les
personnes déclarées indigents par les COGES. Rendre fonctionnelle et
généraliser l’Assurance Maladie Universelle.
Conclusion
La Côte d’Ivoire vient récemment d’être
classée parmi les pays les plus pauvres du monde (initiative PPTE). L’analyse
faite de son système de santé, à partir de la revue des données de base, a
révélé une énorme insuffisance de celui-ci au plan qualitatif que quantitatif. Une
volonté des politiques à améliorer les principaux déterminants de la santé, la
bonne gouvernance, la fourniture de services essentiels de qualité et la
priorité à l’atteinte rapide des OMD, constituent les gages d’un accès équitable
aux soins de santé.
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Harris Memel-Fotê, La Santé, la maladie et les médecines en Afrique, Les Éditions du CERAP, Abidjan,
2008, 184 p.
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Institut National de la Statistique, 2005.
Enquête sur les indicateurs du SIDA en Côte d’Ivoire 2005.
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Institut National de la Statistique, 2006.
Suivi de la situation des enfants et des femmes: Enquête nationale à
indicateurs multiples 2006 - Rapport final
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Mc Pake, Hanson, K., & Mills, A. 1992.
“Implementing the Bamako initiative in africa, a review and five case
studies: London school of hygiene and Tropical Medecine PHP Department Publication. OMS 1999b”.
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Ministère de la Santé et de L’hygiène Publique, 1996.Plan National
de Développement Sanitaire 1996-2005.
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Ministère de la Sante et de l’Hygiène publique, 2008. Plan National
de Développement Sanitaire 2009-2013.
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N’Dri Yoman, T. 2008 : « Comment se
soigne-t-on aujourd’hui en Côte d’Ivoire ». Vendredi du CERAP.
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OMS 2008 : “Instaurer l’équité en santé en agissant sur les
déterminants sociaux de la santé » Commission des Déterminants sociaux
de la Santé Résumé Analytique Du Rapport Final –
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Programme Elargi de Vaccination (PEV), 2007. Rapports
d’activité 2007.
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Velasquez, G. (1989). Médicaments et financement des
systèmes de santé dans les pays du tiers monde « le recouvrement des
coûts » : un concept à revoir. Revue
Tiers Monde, XXX (118), p 416.
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www.reseauafrique2000.org/docs/Documents/abuja_declaration_2001_f.doc
sommet d'abuja avril 2001: Déclaration
d’Abuja sur le VIH/SIDA, la tuberculose et autres maladies infectieuses
connexes.
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www.Statistiques-mondiales.com Côte d’Ivoire.
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