vendredi 1 octobre 2010

LES SYSTEMES DE SANTE D’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE PEUVENT-ILS ECHAPPER A LA MAL GOUVERNANCE TECHNOCRATIQUE DES GOUVERNEMENTS DE CES PAYS ?


Cette question mérite une attention particulière. En effet, les systèmes de santé d’Afrique sub-saharienne ont évolué ces derniers temps notamment sous l’influence d’agences internationales qui les conduisent comme un berger et son troupeau de moutons. Un coup à gauche, un coup à droite. Des soins de santé communautaires dans les années 70, à l’Initiative de Bamako dans les années 90, à la mise en place des districts de santé et puis vers le développement des programmes verticaux, ces systèmes de santé sont restés faibles et ne peuvent offrir des soins santé à des populations qui en ont besoin.
L’orientation aujourd’hui est de renforcer ces systèmes de santé. Mais comment renforcer les systèmes de santé si la question centrale du financement pour un accès universel aux soins n’est pas résolue ? La plupart des systèmes de santé reposent pour l’essentiel de leur collecte de fonds sur les paiements directs par les usagers alors que plus de 40% de la population vit avec moins de 1 US$ par jour. L’aide extérieure –et même les fonds locaux- sont mal gérés. Par exemple, la liste des pays où les ressources du Fonds Global ont été détournées par les managers ne fait que s’accroître. Peut-être vaut-il mieux se demander quel pays en Afrique sub-saharienne gère de façon adéquate ces ressources. Les mêmes causes présentes dans tous les pays devraient en fait produire les mêmes effets. Notamment, la faible rédévabilité vis-à-vis des populations, l’absence de transparence, couplées à la politisation des postes, la faible rémunération des personnels et l’insuffisance des réformes en relation avec le contexte font que l’on aboutit à l’inertie des systèmes de santé. Dans ce contexte, le financement basé sur les intrants contribue davantage à enrichir les managers et à démotiver les autres personnels de santé qu’à investir dans la technologie sanitaire et la force de travail pour la production des soins et services de santé de qualité. Et ceci reflète le contexte de sous-développement général généré par la faible gouvernance technocratique.
Si l’on ne peut agir sur le système publique –au vu des barons qui gouvernent dans cette partie du monde depuis des décennies -, il est temps pour les agences internationales de réfléchir à un nouveau mode de financement des systèmes de santé en Afrique sub-saharienne. Car, les milliards de $ d’aide ne financent pas les systèmes de santé mais essentiellement les individus au détriment des pauvres sans yeux pour voir, ni voix pour défendre leurs intérêts.
Une contribution de Basile Keugoung

mercredi 15 septembre 2010

PERDIEMS ET SYSTEME DE SANTE


Cet article pose le problème des perdiems devenus la principale maladie -perdiemite- dans les projets, les formations, les séminaires, ateliers de compte rendu de recherche, de validation de procédures et protocole…
Cette perdiemite est une longue maladie négligée qui contribue à la non atteinte des objectifs de santé et même à ceux des autres domaines de développement en Afrique.

L’historique
Valéry Ridde ( TM & IH, 2010) affirme que l’arrivée des projets et des expatriés très bien payés travaillant avec leurs collègues africains recevant de maigres salaires serait à l’origine. Les perdiems furent introduits pour essayer d’améliorer la rémunération des locaux. Aujourd’hui, le perdiem est un droit et certains pays ont même légiféré sur le sujet. En 2010, les Agences de l’ONU au Mali ont standardisé les taux de perdiem, par exemple, 5 000 Fr CFA pour le transport à Bamako (10 000 Fr CFA à Abidjan). Il est donc impossible d’organiser une formation sans payer les participants.

Des abus énormes :
- Les séminaires sont organisés en dehors de la capitale, dans une ville reculée où les taux de perdiem sont élevés.
- Les participants signent les listes de présence dans plusieurs séminaires organisés le même jour pour bénéficier des perdiems des 2 séminaires
- Les projets augmentent leur taux de perdiems pour attirer plus de participants
- Les missions sont multipliées aussi bien par les nationaux que les expatriés…


Répercussion sur le système de santé
Les perdiems créent un dysfonctionnement des systèmes de santé. Car les missions, formations, séminaires, etc. sont organisées dans la seule intention d’avoir des perdiems que d’induire des changements. Certains acteurs de santé font plus de cinq fois à la même formation.
La perdiemite a envahi toute la société :
- Le Directeur de district sanitaire et son Equipe cadre ne feront pas de missions de supervision de ses propres structures de santé sans perdiems venant des bailleurs de fonds de tels ou tels programmes.
- Les Comités d’éthique exige des perdiems avant d’analyser votre protocole de recherche et vous attribuer la clairance éthique.
- Le villageois exige une rémunération avant de répondre à un questionnaire de recherche
- L’agent de santé communautaire exige son paiement avant de participer à la distribution des gouttes de Polio lors des JNV ou des moustiquaires imprégnés en campagne de masse.

En côte d’ivoire
En côte d’ivoire, comme partout en Afrique, il existe des villes de séminaires nationaux. Pour être sélectionné comme séminariste, c’est d’abord la fonction qui prime : Séminaires des délégués régionaux, des Médecins de districts, ou des coordonnateurs régionaux de tel programme. Donc, les mêmes séminaires sont programmés chaque année –pour consommer le budget- et les mêmes personnes et les mêmes formateurs y participent. Deuxièmement, les connaissances jouent un rôle primordial. Si vous êtes en bons termes avec l’organisateur, votre nom figurera parmi la liste des participants, même si vous ne comprendrez rien au séminaire. Ce qui est sûr vous aurez le perdiem à la fin. Troisièmement, le nombre de jours est augmenté expressément pour avoir plus d’argent. Si la formation dure normalement 3 jours, les participants signeront les listes pour 5 jours pour recevoir 5 jours de perdiem. Parfois, l’organisateur ne paie que 4 jours.
Tant que les salaires seront maigres, la perdiemite persistera aussi longtemps car tous les acteurs du système vivent de ce phénomène, malheureusement au détriment de la santé des populations.

La solution
La solution à un problème aussi complexe exige une prise de conscience de tous les acteurs et un débat sur le sujet. Traiter la perdiemite nécessite une analyse profonde des actions multidimensionnelles sur toutes les fonctions du système de santé.

mardi 13 juillet 2010

POUR QUE L’AIDE AUX SYSTEMES DE SANTE AIT UN IMPACT DURABLE : L’HISTOIRE PATHETIQUE D’UN MALADE DU SIDA

Mr Serykpa L, chômeur, 36 ans, père de deux enfants, vit en couple et habite au quartier soleil de Daloa, ville située au Centre Ouest de la république de côte d’ivoire. En début an 2008, il est tombé malade trois mois durant, ce qui l’a amené à faire le test de dépistage pour le VIH/sida au Centre de Santé Soleil. Il a été déclaré séropositif au VIH. Cela veut dire qu’il est malade du sida et devrait suivre un traitement toute la vie. Serykpa L. avait beaucoup de chance car le Centre de Santé Soleil venait d’être érigé par le Ministère de la Santé Publique, en site de prise en charge VIH/sida, comme l’ont été plusieurs mois auparavant, le Centre Antituberculeux et le Centre Hospitalier Régional de Daloa. Le Centre de Santé Soleil était un établissement périphérique de premier contact, réservé juste aux soins de santé de base. A la faveur de son érection en site de prise en charge VIH/sida, il avait bénéficié d’énormes renforcements de capacité. Le personnel avait été formé aux procédés de soins complets du malade du sida. Le centre a également reçu suffisamment de matériels et équipements médicaux pour être au même niveau technique qu’un hôpital général. Mr Serykpa L bénéficiait donc du traitement complet pour sa maladie sida, comme on le dit dans le jargon, il recevait « le paquet global nécessaire pour la prise en charge de la personne vivant avec le VIH ». En plus des médicaments Antirétroviraux et des examens biologiques qui étaient désormais gratuits au pays, il bénéficiait aussi d’un suivi psychosocial fait par des conseillères communautaires spécialisées en la matière. Il a aussi été éligible pour obtenir un financement pour des « Activités Génératrices de Revenue » ; pour cela il avait crée sa petite boutique dans son quartier. Il rencontrait d’autres personnes vivant avec le VIH de la ville dans le cadre de réunions de groupe d’auto soutien qui se tenaient une fois par semaine au siège de l’ONG Me Love Everyone. Il recevait deux fois par mois, la visite des conseillères de l’ONG à son domicile pour s’enquérir de son état de santé. Il a reçu des moustiquaires imprégnées pour se protéger du paludisme, puis aussi des kits alimentaires. Ses enfants, désormais appelés « OEV » c'est-à-dire Orphelins et Enfants rendu Vulnérables du fait du VIH, avaient des kits scolaires à chaque rentrée des classes. Bien qu’elle boive déjà de l’eau potable coulant du robinet, la famille recevait régulièrement des pastilles de purification d’eau. Mr Serykpa L. vivait une vie heureuse avec sa petite famille. Tout cela était rendu possible grâce aux financements apportés par un bailleur de fonds extérieur « ALL FOR HEALTH » (AFH) et ce dans le cadre d’un projet d’aide aux personnes vivant avec le VIH/sida en Afrique.

Des mois et des mois passèrent et Mr Serykpa L. constatait que les choses changeaient. La qualité des soins qu’il recevait diminuait au fil du temps. Il y avait au moins trois ruptures en un ou plusieurs médicaments ARV par trimestre. Le bilan de suivi biologique n’était plus régulièrement fait parce que deux des trois appareils prévus à cet effet étaient tombés en panne par manque d’entretien. La maintenance de ces machines ne pouvait être faite pour cause d’insuffisance de budget. Les conseillères communautaires, non seulement ne venaient plus lui rendre visite, mais n’étaient plus disponibles à le recevoir au Centre de Santé parce qu’elles avaient été mis en chômage technique depuis deux mois environ. Mr Serykpa L. ne bénéficiait plus de moustiquaire imprégnés ni de kits alimentaires car il y avait un déficit de moyens donc la distribution de ces fournitures, était arrêtée. Ses enfants eux n’ont plus, ne recevaient plus de kits scolaires à l’école du fait de leurs statuts d’OEV par manque de fonds. L’état de santé de Mr Serykpa commençait à se dégrader sérieusement. Le personnel du Centre de Santé Soleil, qui avait été habitué aux visites de supervision régulières des agents de l’association « M’MIRIA HIVCAREGIVER », ont commencé à tomber dans la démotivation. Pour cela, ils accordaient moins de temps aux malades du sida, ils les traitaient maintenant comme tous les autres malades. Il n’y avait plus de faveurs spéciales pour eux. Curieusement, Mr Serykpa L. constata que Nasaguéhi S, un ami qu’il rencontrait souvent à la réunion d’auto soutien et qui se faisait suivre au Centre Antituberculeux de la même ville pour le sida, continuait de bénéficier des avantages que lui n’avait plus. Sa famille et lui ressentirent une grande frustration face à l’inégalité dans l’accès aux soins pour les mêmes catégories de malades dans la même ville.

Qu’est ce qui explique cette différence dans le traitement des malades ?
« L’AFH » qui apportait son appui au Centre de Santé Soleil pour la prise en charge des malades du sida, avait malheureusement arrêté son financement parce que le projet avait pris fin. Celui qui soutenait le Centre Antituberculeux le « AIDS FUND » continuait son financement en bonne et due forme. C’est ce qui explique que les soins apportés aux malades du sida du Centre de Santé Soleil avaient perdu leurs qualités d’équité, de globalité, de continuité et d’intégration.

L’appui apporté par les partenaires au développement aux systèmes de santé des pays à ressource limitée est très appréciable, mais il apparait bien souvent une discordance entre les objectifs fixés par ces bailleurs et les priorités définies par les ministères en charge de la santé. Tout porte à croire que le lead est détenus par les donateurs, sans tenir compte de la politique à suivre du pays bénéficiaire. Cela va à l’encontre de l’engagement fait par les pays donateurs le 02 mars 2005 à Paris sur l’efficacité de l’aide, à savoir que « Les donneurs s'engagent à faire reposer l’ensemble de leur soutien ... sur les stratégies nationales de développement des pays partenaires et les rapports périodiques sur l’avancement de l’exécution de ces stratégies » (Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au Développement. 2005).

Il faut par ailleurs signaler que les autorités sanitaires des pays bénéficiaires devront mettre l’accent sur la coordination des interventions pour les rendre plus efficaces. Dans le cas de la république de côte d’ivoire, le système de « panier commun » dans la gestion des fonds destinés à soutenir la lutte contre le VIH/sida, serait plus conseillé. Cela éviterait de disperser les interventions et mais aussi permettrait d’éviter les doubles emplois. En effet, les fonds issus de plusieurs bailleurs serviront à soutenir les activités d’un même site de prise en charge, ainsi on capitaliserait les acquis et encouragerait la complémentarité. Les acteurs de terrains, les bénéficiaires de soins et toutes les autres prenantes devraient être préparés longtemps, avant d’amorcer la fin d’un tel projet. Un mécanisme de financement pour assurer un moment de continuation durable des soins pour les patients déjà sous traitement ARV, devrait être mis sur pied.

jeudi 1 juillet 2010

MSF BELGIQUE ET ACONDA VS CI : UNE SYNERGIE D’ACTION DANS LA MISE EN PLACE DE L’OFFRE DE SOINS VIH A L’HOPITAL DE BANGOLO

Bangolo est une ville cosmopolite qui est située dans la région du grand Ouest de la côte d’ivoire. La situation de crise militaro politique qu’a connu la côte d’ivoire depuis septembre 2002, a entraîné une désorganisation du système de santé et favorisée du coup la propagation de l’infection à VIH dans la région. Durant cette période faste, le fonctionnement de l’Hôpital Général de Bangolo a été assuré par les ONG MSF Belgique et de l’ONG Aconda vs ci.
Cet article rapporte l’expérience de l’intervention de MSF Belgique et de l’ONG Aconda vs ci dans la mise place de l’offre de soins VIH à l’HG de Bangolo en situation humanitaire. jusqu'à la période son intervention, pour MSF Belgique, la stratégie a été basé sur le renforcement de la capacité humaine et matérielle de la structure. Il a permis l’affectation de 4 nouveaux médecins, de 2 pharmaciens, de 3 Biotechnologistes, de 4 infirmiers, de 4 sage femmes et de 5 nouvelles aides soignantes accoucheuses. Au total le staff technique de l'hôpital est passé de 11 à 36 personnes.
Pour l’ONG Aconda, la stratégie a consisté à former tout le personnel aux 12 modules nationaux sur le VIH ; à améliorer les circuits pour la prise en charge globale des Personnes malades du sida; à organiser un système d’approvisionnement en médicament et intrants; à améliorer le système de suivi et évaluation, à équiper le laboratoire d’analyse biologique en offrant un appareil d'examen biochimique (spectrophotomètre), un appareil d'examen hématologique (Coulter ) et un appareil de comptage de CD4.
Au 30 septembre 2009, 04 visites de coaching et 02 missions de supervisions formatives, ont été menées par l’équipe d'Aconda vs en collaboration avec l’équipe de coordination du district sanitaire de Bangolo. Pour les activités de Conseil-Dépistage, 592 patients ont été conseillés et dépistés avec 209 dépistés séropositif au VIH+. Pour la Prévention de la Transmission Mère Enfant, 879 femmes enceintes ont été reçues en Consultation Prénatales de premier rang. parmi elles, 66% ont été conseillées et dépistées, et l'on a pu dépisté 31 séropositives au VIH+. Seulement 09 des 31 femmes dépistées VIH+, ont bénéficié elle-même et leur enfant, de la prophylaxie ARV.
Pour le service de biologie, les résultats étaient : 264 examens CD4 et 300 tests de tuberculose ont été réalisés. Pour les patients suivi, on a noté que 230 personnes malades du sida, ont pris une fois les médicaments ARV depuis le début des activités et 199 sont encore sous traitement ARV. On signale que seulement 25 adultes souffrant de co-infection Tuberculose et sida ont été suivis dans la période de rapportage. En conclusion, on dira que la mise en commun des efforts de deux ONG, dans le passage à échelle de la prise en charge globale des personnes malades du sida dans un hôpital de district en situation humanitaire, est un bon exemple de renforcement du système de santé national. L’appropriation de ces activités par l’équipe de coordination locale, reste le seul défi à relever pour une réelle pérennisation.