mardi 13 juillet 2010

POUR QUE L’AIDE AUX SYSTEMES DE SANTE AIT UN IMPACT DURABLE : L’HISTOIRE PATHETIQUE D’UN MALADE DU SIDA

Mr Serykpa L, chômeur, 36 ans, père de deux enfants, vit en couple et habite au quartier soleil de Daloa, ville située au Centre Ouest de la république de côte d’ivoire. En début an 2008, il est tombé malade trois mois durant, ce qui l’a amené à faire le test de dépistage pour le VIH/sida au Centre de Santé Soleil. Il a été déclaré séropositif au VIH. Cela veut dire qu’il est malade du sida et devrait suivre un traitement toute la vie. Serykpa L. avait beaucoup de chance car le Centre de Santé Soleil venait d’être érigé par le Ministère de la Santé Publique, en site de prise en charge VIH/sida, comme l’ont été plusieurs mois auparavant, le Centre Antituberculeux et le Centre Hospitalier Régional de Daloa. Le Centre de Santé Soleil était un établissement périphérique de premier contact, réservé juste aux soins de santé de base. A la faveur de son érection en site de prise en charge VIH/sida, il avait bénéficié d’énormes renforcements de capacité. Le personnel avait été formé aux procédés de soins complets du malade du sida. Le centre a également reçu suffisamment de matériels et équipements médicaux pour être au même niveau technique qu’un hôpital général. Mr Serykpa L bénéficiait donc du traitement complet pour sa maladie sida, comme on le dit dans le jargon, il recevait « le paquet global nécessaire pour la prise en charge de la personne vivant avec le VIH ». En plus des médicaments Antirétroviraux et des examens biologiques qui étaient désormais gratuits au pays, il bénéficiait aussi d’un suivi psychosocial fait par des conseillères communautaires spécialisées en la matière. Il a aussi été éligible pour obtenir un financement pour des « Activités Génératrices de Revenue » ; pour cela il avait crée sa petite boutique dans son quartier. Il rencontrait d’autres personnes vivant avec le VIH de la ville dans le cadre de réunions de groupe d’auto soutien qui se tenaient une fois par semaine au siège de l’ONG Me Love Everyone. Il recevait deux fois par mois, la visite des conseillères de l’ONG à son domicile pour s’enquérir de son état de santé. Il a reçu des moustiquaires imprégnées pour se protéger du paludisme, puis aussi des kits alimentaires. Ses enfants, désormais appelés « OEV » c'est-à-dire Orphelins et Enfants rendu Vulnérables du fait du VIH, avaient des kits scolaires à chaque rentrée des classes. Bien qu’elle boive déjà de l’eau potable coulant du robinet, la famille recevait régulièrement des pastilles de purification d’eau. Mr Serykpa L. vivait une vie heureuse avec sa petite famille. Tout cela était rendu possible grâce aux financements apportés par un bailleur de fonds extérieur « ALL FOR HEALTH » (AFH) et ce dans le cadre d’un projet d’aide aux personnes vivant avec le VIH/sida en Afrique.

Des mois et des mois passèrent et Mr Serykpa L. constatait que les choses changeaient. La qualité des soins qu’il recevait diminuait au fil du temps. Il y avait au moins trois ruptures en un ou plusieurs médicaments ARV par trimestre. Le bilan de suivi biologique n’était plus régulièrement fait parce que deux des trois appareils prévus à cet effet étaient tombés en panne par manque d’entretien. La maintenance de ces machines ne pouvait être faite pour cause d’insuffisance de budget. Les conseillères communautaires, non seulement ne venaient plus lui rendre visite, mais n’étaient plus disponibles à le recevoir au Centre de Santé parce qu’elles avaient été mis en chômage technique depuis deux mois environ. Mr Serykpa L. ne bénéficiait plus de moustiquaire imprégnés ni de kits alimentaires car il y avait un déficit de moyens donc la distribution de ces fournitures, était arrêtée. Ses enfants eux n’ont plus, ne recevaient plus de kits scolaires à l’école du fait de leurs statuts d’OEV par manque de fonds. L’état de santé de Mr Serykpa commençait à se dégrader sérieusement. Le personnel du Centre de Santé Soleil, qui avait été habitué aux visites de supervision régulières des agents de l’association « M’MIRIA HIVCAREGIVER », ont commencé à tomber dans la démotivation. Pour cela, ils accordaient moins de temps aux malades du sida, ils les traitaient maintenant comme tous les autres malades. Il n’y avait plus de faveurs spéciales pour eux. Curieusement, Mr Serykpa L. constata que Nasaguéhi S, un ami qu’il rencontrait souvent à la réunion d’auto soutien et qui se faisait suivre au Centre Antituberculeux de la même ville pour le sida, continuait de bénéficier des avantages que lui n’avait plus. Sa famille et lui ressentirent une grande frustration face à l’inégalité dans l’accès aux soins pour les mêmes catégories de malades dans la même ville.

Qu’est ce qui explique cette différence dans le traitement des malades ?
« L’AFH » qui apportait son appui au Centre de Santé Soleil pour la prise en charge des malades du sida, avait malheureusement arrêté son financement parce que le projet avait pris fin. Celui qui soutenait le Centre Antituberculeux le « AIDS FUND » continuait son financement en bonne et due forme. C’est ce qui explique que les soins apportés aux malades du sida du Centre de Santé Soleil avaient perdu leurs qualités d’équité, de globalité, de continuité et d’intégration.

L’appui apporté par les partenaires au développement aux systèmes de santé des pays à ressource limitée est très appréciable, mais il apparait bien souvent une discordance entre les objectifs fixés par ces bailleurs et les priorités définies par les ministères en charge de la santé. Tout porte à croire que le lead est détenus par les donateurs, sans tenir compte de la politique à suivre du pays bénéficiaire. Cela va à l’encontre de l’engagement fait par les pays donateurs le 02 mars 2005 à Paris sur l’efficacité de l’aide, à savoir que « Les donneurs s'engagent à faire reposer l’ensemble de leur soutien ... sur les stratégies nationales de développement des pays partenaires et les rapports périodiques sur l’avancement de l’exécution de ces stratégies » (Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au Développement. 2005).

Il faut par ailleurs signaler que les autorités sanitaires des pays bénéficiaires devront mettre l’accent sur la coordination des interventions pour les rendre plus efficaces. Dans le cas de la république de côte d’ivoire, le système de « panier commun » dans la gestion des fonds destinés à soutenir la lutte contre le VIH/sida, serait plus conseillé. Cela éviterait de disperser les interventions et mais aussi permettrait d’éviter les doubles emplois. En effet, les fonds issus de plusieurs bailleurs serviront à soutenir les activités d’un même site de prise en charge, ainsi on capitaliserait les acquis et encouragerait la complémentarité. Les acteurs de terrains, les bénéficiaires de soins et toutes les autres prenantes devraient être préparés longtemps, avant d’amorcer la fin d’un tel projet. Un mécanisme de financement pour assurer un moment de continuation durable des soins pour les patients déjà sous traitement ARV, devrait être mis sur pied.

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