
Des mois et des mois passèrent et Mr Serykpa L. constatait que les choses changeaient. La qualité des soins qu’il recevait diminuait au fil du temps. Il y avait au moins trois ruptures en un ou plusieurs médicaments ARV par trimestre. Le bilan de suivi biologique n’était plus régulièrement fait parce que deux des trois appareils prévus à cet effet étaient tombés en panne par manque d’entretien. La maintenance de ces machines ne pouvait être faite pour cause d’insuffisance de budget. Les conseillères communautaires, non seulement ne venaient plus lui rendre visite, mais n’étaient plus disponibles à le recevoir au Centre de Santé parce qu’elles avaient été mis en chômage technique depuis deux mois environ. Mr Serykpa L. ne bénéficiait plus de moustiquaire imprégnés ni de kits alimentaires car il y avait un déficit de moyens donc la distribution de ces fournitures, était arrêtée. Ses enfants eux n’ont plus, ne recevaient plus de kits scolaires à l’école du fait de leurs statuts d’OEV par manque de fonds. L’état de santé de Mr Serykpa commençait à se dégrader sérieusement. Le personnel du Centre de Santé Soleil, qui avait été habitué aux visites de supervision régulières des agents de l’association « M’MIRIA HIVCAREGIVER », ont commencé à tomber dans la démotivation. Pour cela, ils accordaient moins de temps aux malades du sida, ils les traitaient maintenant comme tous les autres malades. Il n’y avait plus de faveurs spéciales pour eux. Curieusement, Mr Serykpa L. constata que Nasaguéhi S, un ami qu’il rencontrait souvent à la réunion d’auto soutien et qui se faisait suivre au Centre Antituberculeux de la même ville pour le sida, continuait de bénéficier des avantages que lui n’avait plus. Sa famille et lui ressentirent une grande frustration face à l’inégalité dans l’accès aux soins pour les mêmes catégories de malades dans la même ville.
Qu’est ce qui explique cette différence dans le traitement des malades ?
« L’AFH » qui apportait son appui au Centre de Santé Soleil pour la prise en charge des malades du sida, avait malheureusement arrêté son financement parce que le projet avait pris fin. Celui qui soutenait le Centre Antituberculeux le « AIDS FUND » continuait son financement en bonne et due forme. C’est ce qui explique que les soins apportés aux malades du sida du Centre de Santé Soleil avaient perdu leurs qualités d’équité, de globalité, de continuité et d’intégration.
L’appui apporté par les partenaires au développement aux systèmes de santé des pays à ressource limitée est très appréciable, mais il apparait bien souvent une discordance entre les objectifs fixés par ces bailleurs et les priorités définies par les ministères en charge de la santé. Tout porte à croire que le lead est détenus par les donateurs, sans tenir compte de la politique à suivre du pays bénéficiaire. Cela va à l’encontre de l’engagement fait par les pays donateurs le 02 mars 2005 à Paris sur l’efficacité de l’aide, à savoir que « Les donneurs s'engagent à faire reposer l’ensemble de leur soutien ... sur les stratégies nationales de développement des pays partenaires et les rapports périodiques sur l’avancement de l’exécution de ces stratégies » (Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au Développement. 2005).
Il faut par ailleurs signaler que les autorités sanitaires des pays bénéficiaires devront mettre l’accent sur la coordination des interventions pour les rendre plus efficaces. Dans le cas de la république de côte d’ivoire, le système de « panier commun » dans la gestion des fonds destinés à soutenir la lutte contre le VIH/sida, serait plus conseillé. Cela éviterait de disperser les interventions et mais aussi permettrait d’éviter les doubles emplois. En effet, les fonds issus de plusieurs bailleurs serviront à soutenir les activités d’un même site de prise en charge, ainsi on capitaliserait les acquis et encouragerait la complémentarité. Les acteurs de terrains, les bénéficiaires de soins et toutes les autres prenantes devraient être préparés longtemps, avant d’amorcer la fin d’un tel projet. Un mécanisme de financement pour assurer un moment de continuation durable des soins pour les patients déjà sous traitement ARV, devrait être mis sur pied.
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