lundi 27 février 2012

LA GRATUITE CIBLEE DES SOINS EN COTE D’IVOIRE EST ENFIN DECRETEE. MAINTENANT, QUELLES VONT ETRE LES PROCHAINES ETAPES ?


 Urgences CHR de Man - région sanitaire Ouest de Côte  d'Ivoire
Dans une conférence de presse tenue mi février 2012, le ministre ivoirien de la santé et de la lutte contre le sida a annoncé la fin de la gratuité totale des soins, qui se mue, 10 mois après en une gratuité ciblée des soins. Cette mesure ciblera désormais la prise en charge de « la femme enceinte non assurée et vulnérable » ; et aussi « l’enfant de zéro à cinq ans ». Pour ce qui concerne la femme, selon le ministre, la décision prendra en compte les consultations prénatales, les examens complémentaires - échographie et laboratoire -, l’accouchement normal et les complications liées à l’accouchement, et aussi la césarienne. Et le ministre de rassurer que pour chacune de ces situations, il existera des kits appropriés qui seront disponibles dans toutes les maternités du pays aussi bien dans les villages que dans les villes. Pour ce qui concerne les urgences médicochirurgicales, le ministre a déclaré que la gratuité prendra en compte les « 48 premières heures aux urgences». La première responsable du département de la santé a également annoncé que tout cela va coûter à l’état, une bagatelle somme de 30 milliards de francs Cfa soit un peu plus de 61 millions de dollar US. (Le Nouveau Réveil, N°3017 du 17/02/2012)

La gratuité des soins, qu’elle soit totale ou ciblée, demeure toujours une mesure de très haute portée sociale dans un contexte où le financement des dépenses de santé reste encore exclusivement à la charge des ménages. Cette autre mesure est très louable, ce d’autant qu’elle cible les couches les plus vulnérables de la société. Les questions que l’on se pose maintenant c’est que : quelles sont les conditions de la mise en œuvre effective des prochaines étapes ? Puis quels sont les mécanismes à mettre en place pour en assurer une meilleure exécution ?

Pour que les populations cibles bénéficient effectivement d’un type de soins gratuit et de façon continue, il faut que ce type de soins soit disponible et accessible. Il faut reconnaître que même gratuit, un accouchement par césarienne a un coût, si la femme doit parcourir une très longue distance pour en bénéficier. Les coûts directs non médicaux comme par exemple les frais de transport du malade, les frais de nourriture et d’hébergement des parents accompagnateurs, peuvent être minimisés si l’offre de service est proche du demandeur. La proposition de la mise à niveau des capacités des établissements sanitaires, en renforçant leur plateau technique, n’est guère empreinte d’utopie. La solution pour les urgences chirurgicales, aurait été de doter au moins tous les hôpitaux de district d’une antenne chirurgicale fonctionnelle. La disponibilité suffisante et sans interruption, des produits pharmaceutiques et autres intrants stratégiques pour les examens complémentaires, constitue une condition indispensable à la réussite de cette mesure de gratuité ciblée.

Une définition claire des critères d’identification formelle des bénéficiaires, reste aussi un défi à relever pour les « metteurs en œuvre » de la mesure : 1/ la détermination exacte de l’age de l’enfant, quand on sait que les mères ne disposent pas toujours de carnets de santé bien documentés, et que physiquement la différence entre un enfant de cinq ans et celui d’un enfant de six ou sept ans, n’est plus très objectivement visible. 2/ dans la plupart des établissements sanitaires – surtout en zone rurale – le diagnostic du paludisme n’est pas toujours basé sur des preuves biologiques, mais est fait selon une approche syndromique et le traitement obéit à des algorithmes standardisés. 3/ s’il n’est pas bien expliqué, le respect d’une durée de « 48 heures aux urgences » couverte par la mesure, risque de ne pas faciliter la tache aux prestataires de soins. Il y’aura dans son application, forcement des dépassements de délai qu'il faudra prendre en compte. 4/ les listes des actes médicaux pris en compte devraient soigneusement être affichés dans tous les établissements sanitaires, afin d’empêcher l’application de tarifications non officielles, parfois imposées aux usagers à leur insu.

En se basant sur les leçons tirées de l’expérience des 10 mois de gratuité totale des soins, un mécanisme de contrôle, de suivi et d’évaluation de cette nouvelle mesure, devrait être mise en place. Les comités de gestion des établissements, les districts sanitaires, les collectivités locales, les ONG issus de la société civile et même certains partenaires au développement du secteur socio sanitaire, devraient être parties prenantes dans ce processus de contrôle, de suivi et d’évaluation.

Un travail intense de sensibilisation dans les média à l’endroit des populations doit être fait, pour obtenir d’eux des comportements citoyens, car comme l’a déclarée Madame le ministre de la santé et de la lutte contre le sida : «La réussite de cette mesure dépend aussi bien des usagers que du personnel soignant». A bon entendeur, salut.
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Le Nouveau Réveil : « Gratuité ciblée : Démarrage officiel ce lundi 20 février ». N°3017 du 17/02/2012.