STRATEGIE DE PAIEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE ET MOTIVATION DU PERSONNEL DE SANTE

Dr Bangaly Doumbouya  - (à la mutualité Antwerpen)





Docteur Bangaly Doumbouya 
assigment - 
Revue de la littérature
Short course MSSS - 2009 / IMT 


Introduction
Depuis la crise économique et financière des années 1980, beaucoup de pays ont été soumis à l’application des plans d’ajustement structurel, imposés par les institutions internationales. Ces plans prévoyaient de nombreuses restrictions budgétaires, dont le gèle des salaires des fonctionnaires du secteur public. L’augmentation graduelle du coût de la vie, a eu pour effet d’entrainer une baisse relative du pouvoir d’achat de ces fonctionnaires. Cette grande paupérisation n’a pas épargnée les travailleurs de la santé. Le paquet minimum d’activités des personnels de la santé a connu dans l’espace de deux décennies, de profondes modifications. Celles-ci se sont caractérisées par l’introduction de nombreuses standardisations des procédés concernant l’offre de soins. On a noté également l’intervention de multitude de programmes de santé transversaux financés par des fonds extérieurs. Tout ceci a contribué à augmenter la charge de travail du personnel. Cela a eu une répercussion sur la qualité des prestations dans les centres de soins, du fait de la démotivation des soignants. Pour garantir la motivation du personnel chargé d’offrir les soins, le paiement de prime à la performance est-il une stratégie adéquate ? Quelles seront les répercussions de la mise en place de cette stratégie sur la qualité des prestations?

Méthodologie
L’étude a consisté en une analyse de la littérature accessible sur les sites de moteur de recherche pertinents repérés sur internet, ainsi que sur des bases de données. Deux moteurs de recherche ont été principalement utilisés, il s’agit de pubMed (Medline) et  de Cochrane Library. Les sites de la bibliothèque de l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) d’Anvers, de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de Google Scholar et de la Banque de Données de la Santé Publique (BDSP) ont été également consultés.
Pour les recherches sur les différentes bases de données, nous avons procédé de la manière suivante :
PubMed (Medline) :
La fonction MeSH de PubMed nous a permis de trouver les définitions des principaux termes utilisés. Nous les avons par la suite croisés pour obtenir les titres des articles publiés dans cette base de données. La combinaison des mots clés utilisés était faite de la façon suivante : « pay performance » [MeSH] AND « Health center ». Aucune limite pour les années de publication des articles n’a été faite. Par contre, seules le français et l’anglais ont été utilisés comme langue de recherche. À partir de ce procédé de croisement, nous avons réussi à identifier 46 « related articles ».
Cochrane Library : A partir de la fonction MeSH de Cochrane nous avons défini les termes principaux. Par la suite nous les avons croisés pour obtenir des titres d’articles publiés dans cette base de données. La combinaison utilisée était la suivante (MeSH descriptor  performance health  and  MeSH descriptor, care quality Highly Active explode all trees) 125 titres de documents ont été identifiés.
Google scholar : Les mots clés utilisés pour faire la recherche sur ce moteur étaient : « motivation personnel système santé » and « qualité soins ». Cette combinaison a permis de trouver 3520 articles récents se rapportant au thème. Nous n’avons mis aucune limite dans notre recherche aussi bien pour l’année de publication que pour la langue.
Scirius : Sur ce site scientifique, la recherche des mots clés « paiement performance système santé qualité soins », nous a permis de notifier 6 journals sources, 457 Web préférés et 4414 autres web.
Autres sources : Nous avons consulté le site de l’OMS, de l’IMT, et de la BDSP à la recherche de documents en rapport avec notre travail. Nous avons également lu des documents supports de nos cours que nous avons trouvés pertinent pour notre étude. Egalement nous avons lu les articles qui étaient en relation avec l’article publié dans PubMed que nous avons jugés pertinent pour notre étude.
Les documents qui ont été identifiés à partir des bases de données électroniques citées ci-dessus, ont été regroupés et étaient au nombre de 8559. Une sélection en cascade a eu lieu en tenant compte de plusieurs critères. Ainsi, les titres sans abstracts, les guides, et tous les abstracts qui n’étaient pas en relation avec le sujet au nombre de 7986, ont été éliminés. Des nombreux articles (547) que nous avons trouvé qui parlaient de « motivation du personnel» et « d’amélioration de la performance des services de santé», notamment dans les pays à faibles revenus mais qui n’évoquaient pas la notion « d’incitation financière du personnel », ont tous été retirés.  Sur les 26 articles restant, seuls 9 ont été définitivement retenus sur le fait qu’ils rapportaient effectivement des expériences pertinentes sur le sujet du « paiement basé sur la performance dans le domaine de la santé ». Nous avons également retenu un article une seule fois lorsqu’il apparaissait dans au moins deux bases de données électroniques différentes. Nous avons recherché les articles à partir des liens. Les articles en rapport avec les documents trouvés par recherche directe sur les bases de données électroniques ont été également consultés.

Synthèse analytique des données:

1.      Incitations financières et amélioration de la performance
Le paiement basé sur la performance est défini, selon Le management comme un système de financement de programme selon lequel le payeur soutient le programme du prestataire en fonction de la performance de ce dernier - c'est-à-dire si le prestataire obtient les résultats convenus ou atteint les buts de santé pour les clients.
Il soutien que le fait de lier le paiement de fonds aux résultats des services, relève d'une stratégie hautement efficace que les organismes de financement peuvent utiliser pour responsabiliser les organisations de services et les encourager à atteindre les buts des programmes. Cette nouvelle stratégie fournit des incitations financières et semble prometteuse pour améliorer la performance des services de santé. Elle peut être appliquée tant dans le secteur public que privé, ainsi qu'à différents niveaux d'un système de santé national.
Une revue portant sur sept essaies  randomisés-contrôlés et quinze autres non randomisés, soutien que les  programmes de paiement basé sur la performance peuvent améliorer les indicateurs de qualité. Mais Il affirme dans le même temps que, même si les études ont montré des effets positifs de ce système, rien ne permet d’être catégorique quant au lien entre ces effets et l’incitation financière donnée aux prestataires de soins (Schatz M et al).
En faisant ressortir ses avantages, certains auteurs  estiment eux que lorsque le paiement est basé sur la performance, on encourage les institutions qui fournissent les services à examiner leur culture institutionnelle - leurs manières d'organiser et de dispenser les soins, de motiver et de superviser le personnel, et d'utiliser les ressources. Selon eux, l'institution est récompensée quand elle trouve des manières d'améliorer l'efficacité de la prestation et quand elle atteint les objectifs - par exemple, pour améliorer la qualité des services ou élargir l'accès aux services. Le système de paiement est axé sur les résultats des activités du programme. L'institution des prestataires cherche essentiellement à obtenir des résultats spécifiques pour recevoir la prochaine tranche de fonds. Les mêmes auteurs trouvent que le processus dégage des données de suivi et d'évaluation et que celles-ci peuvent être utilisées pour planifier la stratégie et les activités des services de santé. (Rena Eichler et Al, 2001)
Les systèmes de paiement peuvent également, quand ils sont bien mis en œuvre permettre une meilleure utilisation des  informations de la santé. Cela peut avoir une influence positive sur la qualité des activités de planifications au niveau d’un programme. Cette affirmation est corroborée par Menachemi N. et Al, qui dans une analyse logistique multi varié effectuée en Floride  chez des médecins chargés de la santé des enfants, soutiennent que seuls les programmes de paiement basés sur la performance, ont permis l’adoption d’un système de recueil électronique des données sanitaires et aussi d’améliorer la qualité des soins cliniques lorsque la collecte est manuelle.
Dans une revue de la littérature réalisée en Massachusetts en 2003, les auteurs concluent que les programmes de paiement basés sur la performance ont effectivement permis une amélioration de la qualité des soins, mais que très peu d’études ont été faites pour montrer l’efficacité de ce système (Pearson SD et Al). Ce système montre une plus grande efficacité surtout lorsqu’il se déroule dans un contexte de partenariat payeur – prestataire, où les buts du payeur et des institutions de services sont étroitement alignés, quand les objectifs et les repères du projet sont clairement définis et mesurables et qu'il existe un processus d'examen technique pour mesurer efficacement la performance. Ce fut l’exemple du programme « Survie de l’enfant » en Philippines de 1989 à 1992, dans un partenariat entre l’USAID et le Département de Santé des Philippines, avec un financement de 45 millions USD. (Rena Eichler et Al, 2001). Il en a été de même pour "Haïti Santé 2004". Un projet mis en œuvre par Management of Sciences for Health, le Centre pour les Programmes de Communication de l'Université Johns Hopkins et Pathfinder International, dans lequel l’octroi de financement à trois organisations non gouvernementales sur les trente trois,  a été basé sur  la performance. Ce projet pilote a permis de montrer un accroissement significatif des indicateurs contractuels pour les trois ONG par rapport aux autres. L’établissement de partenariat entre un bailleur de fonds et un service de santé à finalité publique, présente de multiples facettes. L’attribution de primes au personnel en rapport avec leur performance peut être très motivante. Ce fut le cas avec le Programme National de la Tuberculose (PNT) au Malawi en 2003. Dans une étude de recherche  opérationnelle relativement courte (12 mois)  les auteurs ont « montré que le système d'auto-évaluation et  de primes  liées à la performance pouvait fonctionner dans le contexte d'un programme bien structuré. Ils affirment dans leur conclusion, «espérer que le Ministère de la Santé et de la Population du Malawi ainsi que ses partenaires pourront désormais soutenir le principe des  paiements liés à la performance pour le PNT et accepter  d'avaliser les paiements exposés  dans le Plan de Développement de cinq ans. Le système devrait être mis en œuvre comme une activité de routine en réfléchissant sérieusement aux moyens pour la soutenir à long terme » (Harries D. et Al)

2.      Incitations financières et effets inattendus
 Plusieurs auteurs dans différentes études reconnaissent certes que le système d’incitation financière pour le personnel, est à l’origine d’un accroissement de la performance des services de soins. Mais ils font ressortir les effets inattendus que présente ce modèle de gestion. Cette stratégie, lorsqu’elle est pratiquée dans un environnement stable et contrôlé comme c’est le cas des structures de santé gouvernementales publiques dans les pays non développés, est susceptible d’avoir des effets pervers. Elle peut par exemple mettre en mal les valeurs d’éthiques et de déontologiques qui sous-tendent la pratique médicale. Ainsi, dans le rapport de l’Inspection Général des Affaires Sociales en France (2008), les auteurs estiment, dans leur analyse que  le professionnel, dès lors qu’on achète son engagement considérera que l’on témoigne d’une suspicion à son égard et que cette suspicion rejaillirait sur son estime de soi et sur la vigueur de son engagement. Ainsi ils avancent que quand  « la politique économique renforce  l’intérêt personnel en développant, par exemple, des politiques de récompense monétaire ou d’incitation financière individuelle, elle renforce la saillance du cadre marchand et réduit celle du cadre éthique ». Cette situation peut transformer les services gouvernementaux de santé, qui ont une mission à finalité sociale, en établissements commerciaux à but lucratif. L’offre de soins dans ce contexte, revêt un caractère peu équitable parce que les plus pauvres sont exclus. Ainsi, la Société Générale de Médecine Interne, dans un article récemment publié en mars 2009 à Boston, a fait une évaluation systématique à propos des questions d’éthique,  soulevées par le paiement basé sur la performance. Elle a montré que les principes d’éthique en vigueur sont acceptables, mais qu’ils sont guidés par une perspective insuffisante de la qualité des soins. Elle a conclue que  la mise en œuvre du système du paiement basé sur la performance n’est pas une preuve de garantie de la sécurité et de l’efficacité, en raison du risque d’exclusion des patients vulnérables (Wharam JF et al).
Les récompenses financières versées aux agents de santé pour leur performance professionnelle peuvent aider à améliorer l'impact des services de santé, surtout si les récompenses visent à améliorer la qualité de ces services. Rena Eichler et Al.  estiment que toutefois, si celles-ci ne sont pas conçues attentivement, elles risquent d'aboutir à des résultats négatifs. Le danger en effet, est que les incitations financières risquent de pousser les agents de santé à forcer les clients à accepter des services qu'ils ne souhaiteraient pas vraiment obtenir s'ils étaient entièrement informés et libres de faire leurs propres choix. Dans le même ordre d’idée et cherchant à protéger les bénéficiaires des services de santé et de planification familiale, le gouvernement américain, en 1998, vota la loi connue sous le nom de "l'Amendement Tiahrt". Cette loi, telle qu'appliquée aux projets qui reçoivent un financement public des Etats-Unis, interdit l'utilisation de récompenses financières pour des agents de santé risquant de contraindre les clients à accepter la planification familiale. Un système de paiement à base de résultats, selon les mêmes auteurs dans leur analyse, peut également inciter les institutions à produire un nombre excessif de services aux fins de paiement, alors qu'elles négligent d'autres services importants qui ne sont pas récompensés. Enfin, un paiement qui est relié uniquement à la quantité de services n'encourage pas forcément les prestataires à améliorer la qualité de leurs services. Par ailleurs, des auteurs fustigent catégoriquement le système d’incitation basée sur la performance en soutenant dans une revue de la littérature, les différents problèmes liés à cette pratique dans un milieu de soins de santé mentale aux états unis d’Amérique. Ils discutent et proposent d’autres approches pour améliorer les outcomes des services de soins de santé mentaux. (Liptzin B. 2009).


Conclusion
L'utilisation de paiements basés sur la performance pour financer les services de santé, est un concept relativement nouveau. Il est très peu pratiqué dans les pays sous développés où l’ensemble du système de santé reste encore sous le contrôle des gouvernements. C’est probablement ce qui explique la quasi-inexistence de publication sur cette forme d’incitation pour obtenir la motivation du personnel. La présente revue de la littérature, nous a permis de comprendre que l'expérience des  partenariats, sous le sceau de la collaboration entre bailleurs de fonds et organisations de services, constituent un des éléments clés de la réussite de la stratégie du paiement basé sur la performance. La revue nous a également montré les limites de ce procédé. Il ressort de façon générale, que le mode de financement basé sur la performance, est applicable dans les pays à faible revenu. Il peut garantir la motivation des prestataires et permettre une amélioration de la performance des systèmes locaux de santé. Seulement, pour garantir sa pérennité, une attention particulière doit être mise sur la définition conjointe des domaines clés de performance et sur son mode d’évaluation.






REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Harries D., F. M. Salaniponi, P. P. Nunn,  M. Raviglione (2003) : « Primes liées à la performance au sein du Programme  National de lutte contre la Tuberculose du Malawi » INT J TUBERC LUNG DIS 9(2): 138-144.

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Menachemi N, Struchen. S. W, Brooks RG, Simpson L. (2009): “influence of pay-for-performance programs on information technology use among child health providers: the devil is in the details”. Pediatrics. 2009 Jan;123 Suppl 2:S92-6.

Pearson SD, Schneider EC, Kleinman KP, Coltin KL, Singer JA.( 2008) “The impact of pay-for-performance on health care quality in Massachusetts, 2001-2003”. Health  Aff (Millwood). 2008 Jul-Aug; 27(4):1167-76.


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Wharam JF, Paasche-O.MK, Farber NJ, Sinsky C, Rucker L, Rask KJ, Figaro MK, Braddock C 3rd, Barry MJ, Sulmasy DP.(2009) : “High Quality Care and Ethical Pay-for-Performance: A Society of General Internal Medicine Policy Analysis”. J Gen Intern Med. 2009 Mar 18.